Au Pays des Dragons

 

"Même une mauvaise expérience est bonne à prendre"

 

Celles et ceux qui connaissent déja l'histoire se demanderons pourquoi j'y consacre un article, étant donné son "peu de succès".

 

Tout simplement parce que durant cette semaine, j'ai tout de même vécu des choses, rencontré des gens (peu c'est vrai) et échangé avec eux. Que j'ai commis des erreurs dans la préparation de ce voyage que je suis aujourd'hui content d'avoir fait... mais également écourté. Rien n'est tout blanc ou tout noir...

Nous sommes début Août, l'avion me dépose à Bristol, d'où je dois prendre le train pour me rendre à Carmarthen, à l'ouest du Pays de Galles. Là Mandy vient me récupérer pour m'emmener chez elle, dans son B&B, où je m'apprête à passer trois semaines pour faire du HelpX.

 

Hein? Qui est Mandy? Quel B&B? HelpX?

 

Ok, on va peut-être revenir un peu en arrière... ;)

 

Je cherchais (comme beaucoup) un moyen de voyager à moindre coûts et j'ai découvert l'existence d'un réseau nommé le Help Exchange (HelpX). Le principe est simple et ressemble un peu au Woofing pour ceux qui connaissent: aller travailler chez des gens en échange du gîte et (quelques fois) du couvert. On peut ainsi passer un mois à un endroit et n'avoir que le billet d'avion A/R à payer, si on trouve un bon plan.

 

Ceux qui souhaitent un coup de main (les "Host") postent des annonces sur le site et les voyageurs (les helpers) répondent en précisant les dates auxquelles ils peuvent ou souhaitent venir.

 

Après, la bonne volonté de chacun fait le reste du travail: entente sur le nombre d'heure (varie mais ne dépasse pas souvent 4 ou 5 heures par jour, sans compter les week-ends), sur les accommodations (lits, repas, autres), sur les dates, sur le travail à effectuer etc...

 

Pour ceux que ça pourrait intéresser, c'est par là: http://www.helpx.net

 

 

Au bord de la mer d'Irlande
Au bord de la mer d'Irlande

J'ai donc contacté cette dame, Mandy, la cinquantaine, musicienne de profession, vivant dans la demeure familliale reconvertie en Bed and Breakfast (nommé Morfa Isaf). Elle souhaitait un coup de main. l'annonce était assez vague sur le genre de travail qu'il y aurait à effectuer. Souhaitant visiter le Pays de Galles et tout content de partir pour ma première "mission HelpX", j'ai sauté sur l'occasion et j'ai dit oui. Elle m'avait prévenu que j'allais devoir dormir dans une tente mais ça ne me gênais pas.

 

Là où je n'avais pas tilté, en revanche, c'est que je serais le seul "helper" sur place. J'avais compris que je devrais me contenter de la tente car normalement elle ne pouvait acceuillir qu'un seul helper à la fois en terme de logement et que si un deuxième souhaitait venir, il devrait avoir son toit avec lui. En réalité, elle m'avait dit qu'en ce moment, elle devait occuper la chambre qu'elle destinait aux volontaires qui venait d'habitude. Mais ça je l'ai compris trop tard (c'est l'inconvénient de parler dans une langue que vous ne maîtrisez pas à 100%...).

 

Je n'avais pas tenu compte non plus de l'isolement du coin dans lequel je me rendais, au bord de la mer d'Irlande. J'était tellement pris dans ma joie de partir que j'en ai bâclé ma préparation! Mal m'en a pris...

 

Je m'engageais donc à venir aider cette femme trois semaines durant.

Tout confort, ou presque...
Tout confort, ou presque...

Me voila donc, au milieu de nulle-part, en compagnie de cette dame qui aura la gentillesse de me preter une chambre de libre pour la première nuit (il est 23h quand j'arrive, tout est trempé, je suis crevé, il fait froid et je me vois mal monter ma tente avec ma frontale pour seul éclairage).

 

Le lendemain, en descendant petit déjeuner, je me retrouve tout débraillé devant une famille anglaise qui me fixe avec de grands sourires. Oups! J'avais oublié que c'est un B&B ici. Il y a d'autres personnes que moi. Dès qu'elle me voit, Mandy me met de suite à l'aise, elle m'incite à faire comme chez moi et à me servir ce que je veux dans la cuisine, et ce, à toute heure de la journée.

 

Elle me dit aussi de ne pas m'étonner si je vois plein de monde faire des allées et venues dans sa maison. Et en effet, les passants ne tardent pas à être nombreux: les aides soignantes de la mère de Mandy, qui vit toujours ici, les clients, les amis, la famille, bref, c'est la maison du bonheur ici!

 

Il pleut. Je n'imagine même pas à quel point je vais me répéter ces deux mots au cours des jours qui vont suivre. Je songe qu'il va falloir que je monte ma tente, dehors quelque part dans ce jardin transformé en tourbier par les eaux. Je suis pas motivé.

Heureusement, Mandy m'apprend que son beau-frère déménage et qu'il doit se séparer de sa caravane. Il la lui a donc amené trois jours auparavant! Quelle chance, au moins, ce sera confortable.

 

Il est 11h. Un homme arrive. Il est l'artisan qui s'occupe des travaux dans le batiment d'à coté et dans le bateau.

Voyant mon interrogation, Mandy m'explique qu'elle a fait construire un petit cottage à coté de sa maison et qu'elle a également acheté un bateau qu'elle souhaite retaper. Le métier de musicien paie bien ici dit-donc...

L'artisan, répondant au nom d'Adrien (mais je ne l'ai compris que beaucoup plus tard vu sa façon d'articuler) m'expliqua le travail que j'allais avoir à faire: poncer et peindre la salle de bain et la garde-robe du cottage. Tout ce que j'aime. Mais bon, on va pas faire le difficile, je suis nourri et logé et j'en suis reconnaissant.

 

Je passe donc la journée à poncer les portes et les murs de la salle de bain. Adrien, lui, est parti on ne sait où après avoir fait l'inventaire des travaux avec Mandy. Nous n'aurons plus de nouvelles de lui pendant trois jours.

 

En fin d'après-midi, après m'être installé dans la caravane, je décide de profiter de l'éclaircie pour aller me ballader. Je demande à Mandy comment rejoindre le sentier côtier et elle me répond qu'il faut couper à travers champs. L'herbe est trempée et m'arrive aux genoux, quand à la terre... Bref. Je débarque dans le champs d'à coté qui est occupé par quelques vaches occupées à brouter paisiblement. je les dépasse non sans les surveiller du coin de l'oeil, d'autant plus qu'elles aussi me surveillent et pas que du coin de l'oeil...

 

Je passe dans le champs encore à coté où d'autres vaches broutent également, mon pantalon est dégueulasse, mes chaussures ont changé de couleur et je sens des ondes bovines négatives pointer sur moi. J'ai pas envie de m'éterniser ici.

Sauf que cette fois, les vaches s'arretent carrément de machouiller leur bout de verdure et se tournent toutes vers moi. Comme si ça suffisait pas, les ruminants du champs voisin rappliquent et se mettent également à me fixer avec insistance. Elles m'examinent, je les examines à mon tour et soudain, alors que je les vois commencer à taper du sabot par terre, un vent de panique me parcours l'échine: "merde, des taureaux"...

 

Dans ces cas-là il vaut mieux partir sans demander son reste. Surtout que ces bestioles commencent à s'approcher un peu trop à mon goût. En steak, oui, en corrida champêtre, non. Tant pis pour les sentiers côtier.

j'ai pas pu descendre... trop glissant...
j'ai pas pu descendre... trop glissant...

Une fois mes marques prises, je me rends vite compte de ma situation: difficile d'aller bien loin à pieds, je suis vraiment dans un endroit paumé. De plus, je ne vois personne de la journée puisque je suis affairé dans le cottage (Adrien ne compte pas, c'est un vrai fantôme). Et c'est sans compter la pluie, incessante, qui tombe dru.

 

Pour couronner le tout, les nuits sont dures: le toit de la caravane étant très fin, chaque goutte qui tombe fait l'effet d'un caillou sur une vitre, alors une averse toute la nuit... Autant dire que j'ai pas fermé l'oeil de la nuit...

 

Je commence alors à paniquer un peu. Je vais vraiment devoir rester là pendant trois semaines? Je vais déprimer!! Je voulais voir le Pays de Galles, j'ai accès à trois champs pleins de limaces et de taureaux. Je voulais voir du beau monde, je ne vois personne de la journée excepté Mandy à l'heure des repas. Super plan...

 

Heureusement que Mandy est une hôte extraordinaire. Nous échangeons beaucoup au cours des repas, sur nos coutumes respectives, j'améliore mon anglais, elle, son français... Et je peux même suivre les jeux olympiques à la télé! Les équipes de France masculine et féminine de Basketball avancent bien dans la compétition. 

 

Cependant, je n'arrive pas à apprécier mon séjour ici. Je n'ai qu'une idée en tête, prendre mon sac et partir! Tout de suite! Mais je me suis engagé auprès de Mandy pour trois semaines et s'il y a bien quelque chose que déteste, c'est revenir sur mes engagements.

Mais je sais que Mandy est une personne intelligente, si je ne suis pas heureux ici, elle finira par le voir et elle lancera le débat, et ça, il n'en est pas question. Si discussion il doit y avoir, c'est moi qui la lancerai.

Le B&B, Morfa Isaf
Le B&B, Morfa Isaf

Et c'est à ce moment que la vie vous surprend, vous tends des perches qu'il faut saisir. Ces "perches" se manifestent de diverses manières. Ce peut être via une personne, un objet, un événement, un animal, n'importe quoi en fait. Il s'agit de coïncidences qui n'en sont probablement pas vraiment et qu'il faut savoir interpréter. Certains appellent ça des "signes". Personnellement, je n'aime pas ce terme car il a une connotation divine et que je ne crois pas en dieu, mais surtout parce que c'est, à mon sens, une excuse pour ne pas chercher d'explication à ces coïncidences.

 

En ce qui concerne mon cas épineux, Il se trouve qu'un soir, alors que je discutais avec Mandy dans la cuisine, Elle en vint, je ne sais plus comment, à m'expliquer son rapport aux autres lors d'un désaccord. A ce moment-là, j'ai senti au fond de moi, que je pouvais me confier à cette dame et lui expliquer mon dilemme en toute franchise. Ce que je fis dès le lendemain, après une nouvelle nuit blanche sous l'assaut des gouttes.

 

Le lendemain donc, je me lançais. Je lui expliquai le plus sincèrement et le plus simplement du monde que je n'appréciais pas mon séjour ici, que je souhaitais partir, mais qu'en même temps, je me sentais mal de rompre mon engagement à son égard. Elle me pris la main et me dit: "si tu ne te sent pas bien ici, tu devrais partir, c'est OK. Je te remercie de ton honnêteté. Et puis de toute façon, j'aurais fini par m'en aperçevoir et nous aurions été tous deux perdants".

 

J'ai été très ému et très reconnaissant envers cette dame qui m'a beaucoup donné et qui a accepté mon départ avec le sourire. J'ai réussi à obtenir un vol trois jours plus tard. Ce laps de temps se passa parfaitement bien, dans la joie et la bonne humeur, comme si rien ne s'était passé. Je fis un effort pour finir le chantier de la salle de bain avant de partir, par gratitude envers Mandy, même si je devais travailler plus de 8 heures par jour (de toutes façons, je n'avais pas grand-chose d'autre à faire). J'aurais eu fini s'il n'avait pas manqué de peinture, Adrien n'étant toujours pas là pour en acheter.

 

La veille du départ, Mandy me dit quelque chose qui m'alla droit au coeur: "tu es très sage pour ton âge, si tu continue sur cette voie, tu deviendras quelqu'un de bien". J'ai dû me contenir pour cacher ma gêne. J'étais évidemment honoré qu'elle me dise cela, mais j'avais toujours honte de moi à cause de mon départ prématuré.

derière les nuages, se cache le soleil... ;)
derière les nuages, se cache le soleil... ;)

Le jour du départ, Mandy me déposa à la gare de Carmarthen, à trois quarts d'heure de chez elle. Elle me souhaita bonne continuation, j'en fis de même en la remerciant de son acceuil. Un dernier coup d'oeil sur le quai de la gare et je repartais en direction de Bristol, d'où je prendrais la direction de Toulouse. Le lendemain, je repartirai rejoindre une partie de ma famille rassemblée en bretagne pour les deux prochaines semaines, que j'aurais normalement dû passer au Pays de Galles. Je passerai deux excellentes semaines, au soleil, avec mes proches. Je ne regretterais pas mon choix.

 

Néanmoins, j'ai appris que même dans le mauvais, il était possible de trouver du bon. J'ai rencontré une dame formidable avec qui j'ai appris plein de choses en peu de temps, j'ai appris de mes erreurs de préparation du voyage, que je ne répéterai pas. je me suis montré à moi-même que j'étais capable de prendre des décisions qui ne me plaisaient pas et de les assumer par la suite. J'ai appris que même en prenant de telles décisions, ce qui importe, c'est la façon dont on en gère les conséquences. Et surtout, J'ai été content de voir que l'honnêteté et la simplicité sont encore des valeurs qui sont partagées de par le monde.

 

Alors, oui, je suis content d'avoir fait ce voyage,

non, je ne regrette pas de l'avoir raté...

Écrire commentaire

Commentaires: 2
  • #1

    véro (mardi, 19 février 2013 15:58)

    Belle philosophie, belle leçon et bel éloge de la simplicité !
    Moi, je ne regrette pas d'avoir lu cet article …

  • #2

    Charlotte of London (lundi, 11 mars 2013 18:53)

    You have become a very wise, mature and thoughtful human being. I loved your story. I am now going to read your net challenge/trip
    Xxxxxx